L'obsession Hitler
Encore 925 ans d'expiation
En lançant la thématique de la culpabilité allemande, je ne pensais pas tenir une semaine. Mais c'était en oubliant que le IIIe Reich fêtait les 75 ans de son avènement cette année. Je suis tombée, par un parfait hasard, sur l'article d'un Allemand d'origine juive polonaise, Henryk M. Broder, qui dénonce justement le tapage intellectuel autour du passé nazi de l'Allemagne. Hitler avait auguré un Reich millénaire - les Allemands n'ont donc plus que 925 ans pour purger leur faute, annonce Broder.
Il est vrai qu'aucun autre personnage historique n'aura fait couler autant d'encre. Osons la comparaison avec la Bible, autre réservoir d'histoires inépuisable : eh bien, on ne tourne pas un film sur la Bible toutes les deux semaines ! Dans le monde académique, Hitler décroche aussi le pompon, avec les milliers de livres, de thèses et autres travaux de recherche à son sujet. Le scénario Hitler a déjà été réécrit dans toutes ses potentialités : si Hitler avait gagné la guerre, si Hitler n'avait pas été un peintre raté...
Broder
s'arrête encore sur la fâcheuse tendance qu'ont les Allemands à vouloir
diaboliser Hitler à tout prix. Pour lui, il faut y voir non pas une
droiture impitoyable vis-à-vis de leur passé, mais plutôt la recherche
de circonstances atténuantes : ce n'est pas un homme ordinaire qui les a galvanisés, c'est un fou, un bourreau, un démon.
Pour Broder, les Allemands n'ont pas reçu de châtiment matériel à la hauteur de leur faute. Il écrit (et je le suis moins sur ce point) que les souffrances des Allemands sur le front russe ou sous les bombardements de Dresde, de Hambourg et de Cologne n'ont pas été suffisantes pour les racheter. Je veux bien qu'on fasse une psychanalyse à contenu chrétien, en comparant la culpabilité allemande avec la culpabilité entretenue notamment par l'Eglise catholique. Mais de là à justifier les bombardements des alliés sur des villes allemandes remplies de civils, il y a un pas à ne pas franchir.
Je crois toutefois que Broder s'en limitait à un parallèle symbolique avec la faute originelle. Dans ce sens, il n'aurait pas tout à fait tort : la culpabilité qui pèse aujourd'hui encore sur le peuple allemand est une malédiction prométhéenne dans toute sa splendeur. La peine n'étant pas complètement expiée, le coupable est condamné à ne jamais trouver le repos éternel.
Source :
"Pourquoi les Allemands n'en ont pas fini avec Hitler", Henryk M. Broder, Courrier International n° 912 du 24 au 29 avril 2008 (traduit du Spiegel : "Alles Adolf")